Fort d’une expérience d’accompagnement des acteurs dans l’obtention d’aides publiques à l’innovation, Yonathan Arfi revient sur les raisons de l’attractivité de la place française pour les Fintech et adresse plusieurs recommandations aux entrepreneurs souhaitant bénéficier de ces dispositifs.
Les dispositifs d’aides publiques à l’innovation rendent-ils vraiment la France attractive dans la compétition mondiale entre les hubs technologiques ?
Dans la bataille mondiale pour attirer les grands groupes technologiques, la France a mis en place de multiples dispositifs d’aides publiques. Le plus connu et le plus important en montants, reste le Crédit Impôt Recherche (CIR). Mais il faut noter aussi le statut de Jeune Entreprise Innovante (JEI), le Crédit Impôt Innovation, les aides régionales et bien entendu l’activité de plus en plus importante de Bpifrance.
A titre d’illustration, il faut savoir que le Crédit Impôt Recherche représente chaque année une dépense fiscale de l’ordre de 6 milliards d’euros par an. C’est un montant très matériel lorsqu’on le met en perspective avec les 3,6 milliards d’euros de venture capital en France en 2018 ! Le CIR, couplé au statut JEI, qui propose des avantages à la fois sociaux et fiscaux, permet une prise en charge de l’Etat pouvant dépasser 50% des salaires des développeurs ou chercheurs impliqués dans la R&D des startups. Pour de nombreuses startups, le CIR est donc aussi important que les fonds d’investissement…
Sur le plan international, l’attractivité de la France ne dépend pas que des aides publiques à l’innovation puisque nous disposons aussi d’autres atouts (culture d’ingénieur, modération salariale sur le marché des développeurs etc.) mais c’est incontestablement un élément qui a joué positivement dans les décisions de maintenir ou implanter en France des centres de recherche de Facebook ou Microsoft.
Ces dispositifs sont-ils selon vous adaptés aux Fintech ?
Lorsqu’on parle « aides publiques à l’innovation », beaucoup imaginent qu’elles sont limitées à la recherche fondamentale en « sciences dures » type Biotech, informatique… C’est aujourd’hui faux. Ce biais a été depuis longtemps corrigé par l’Etat qui a compris l’intérêt économique à accompagner l’ensemble des démarches de R&D et d’innovation des entreprises. Les Fintech peuvent donc comme les start-ups de tous les autres secteurs prétendre aux différentes aides publiques pour financer leur effort de R&D et d’innovation.
Une Fintech repose le plus souvent sur une combinaison de R&D technique et d’innovation de service. Or les aides publiques à l’innovation sont aujourd’hui beaucoup plus enclines à soutenir l’innovation de service qu’il y a quelques années. Les Fintech doivent donc profiter de cette ouverture.
Et dès lors que cette démarche d’innovation comporte une part de R&D, il est par exemple tout à fait possible de mobiliser du Crédit Impôt Recherche. Le CIR est parfaitement adapté aux besoins de Fintech, souvent composées au démarrage d’équipes très concentrées sur une phase de R&D. En allégeant le coût de la R&D, le CIR leur permet ensuite, à financement équivalent, de favoriser leur développement. Le CIR est ainsi un formidable levier de croissance pour des projets qui sont justement le plus souvent très « scalables ».
De manière plus générale, il faut bien comprendre la philosophie des pouvoirs publics à travers ces dispositifs : il s’agit avant tout de donner du levier au financement privé. Les aides publiques ne remplacent pas les investisseurs privés mais sont en quelque sorte le deuxième moteur de l’avion.
Quels sont les conseils que vous donneriez à un entrepreneur Fintech sur le point de postuler par exemple au Crédit Impôt Recherche ?
Pour une start-up dans les Fintech, le CIR est devenu un dispositif incontournable pour financer ses travaux de R&D, d’autant plus qu’il ne s’agit pas d’une aide ponctuelle puisque l’entreprise peut y prétendre chaque année, aussi longtemps qu’elle engage des travaux de R&D.
Un premier conseil, préalable : penser à bien modéliser le CIR dans le business plan car il a un vrai impact sur le « cash burn ».
Deuxième recommandation : face à la complexité de montage du dossier justificatif qui requiert à la fois une expertise technique et scientifique, d’un côté, et une expertise comptable et fiscale de l’autre, le mieux est d’anticiper cette démarche, plusieurs mois avant la clôture de l’exercice fiscal.
Il ne faut pas négliger non plus les aspects formels et administratifs (CV et diplômes des équipes, etc) et penser à surveiller l’évolution législative sur les dépenses éligibles et leurs modes de calcul. Le CIR a plus de 30 ans mais reste en constante évolution.
Enfin, sur le fond : soyez précis dans l’identification des travaux éligibles au CIR car toute l’innovation n’est pas nécessairement de la R&D ! Il convient donc d’identifier avec soin ce qui au sein de travaux innovants de l’entreprise va, selon la terminologie officielle, « au-delà de l’état de l’art »… En gardant à l’esprit que pour le CIR, ce qui compte est la démarche suivie dans les travaux, et non le résultat obtenu en lui-même.
Contenu réalisé en partenariat avec l’Observatoire de la Fintech